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Ce que j'ai pensé devoir dire aux Chavillois venus rendre hommage à Samuel Paty dans notre maison commune.
Il y a cinq ans et demi nous étions réunis ici pour rendre hommage à des journalistes assassinés parce qu’ils avaient fait usage de la liberté d’expression, de la liberté de caricaturer, par exemple les religions.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage à un professeur qui a payé de sa vie l’enseignement de ces droits.
Il aurait pu se taire, ne pas faire de vague, se soumettre. Tel n’était sans doute pas son caractère. Tel n’était sans doute pas l’idée qu’il se faisait du devoir d’un enseignant de la République Française.
Nous avons à Chaville, une école qui porte son nom : Ferdinand Buisson, voulait que l’école transmette l’esprit critique, qu’elle libère tous les élèves des chaînes qui entravent la raison. Il répétait « Qui n’est pas libre ne peut former des citoyens libres ».
Samuel Paty était un professeur libre qui élevait ses élèves.
Il n’est pas la victime d’une stupide barbarie ou d’une sauvagerie débile. Il est la victime d’une idéologie radicale construite, puissante, déterminée, qui se nomme islamisme (*). Elle a ses généraux, sa propagande, ses soutiens, ses idiots utiles, ses soldats. Samuel Paty est tombé sous les coups d’un de ceux-ci.
Julien Freund, répondant à un contradicteur, lui expliquait : « Comme tous les pacifistes, vous commettez une erreur. Vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi. Vous croyez que du fait que vous ne voulez pas d’ennemi, que vous n’aspirez qu’à vivre en paix avec tous, vous n’en aurez pas. Or, c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il décrète que vous êtes son ennemi, vous pourrez faire les plus solennelles déclaration de paix et de bienveillance, du moment qu’il a décrété que vous êtes son ennemi, vous le serez ; et il vous empêchera même d’être ce que vous êtes.
Cette guerre n’est pas menée avec des bombardiers, des missiles ou des chars. Elle fait moins de morts que celles qui figurent dans nos livres d’histoire, mais elle peut nous détruire. Elle peut détruire ce que nous avons mis quelques siècles à construire. Elle peut détruire ce pour quoi des millions de personnes ont voulu venir vivre en France.
La liberté de conscience, le respect de la vérité scientifique, l’amour de la raison, la laïcité, qui –faut-il le préciser ? – n’est pas une croyance mais un mode d’organisation sociale qui donne à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer sa religion dans la tolérance et le respect.
La liberté dont Chateaubriand disait que sans elle « … il n'y a rien dans le monde… »
Ces valeurs sont traduites dans des lois, dans des droits et des devoirs. L’honneur de Samuel Paty est de les avoir enseignés
Boualem Sansal, qui a vécu la naissance et le développement de l’islamisme en Algérie, nous met en garde : « La France ne comprend pas à quoi elle est confrontée »
On condamne. On affirme son soutien à la famille de la victime, on rassure le corps enseignant et les parents d'élèves, on promet la fermeté.
On fait son devoir. On a la conscience tranquille. Jusqu’à la prochaine attaque.
La France se croit frappée par des terroristes, alors qu'elle subit une guerre
L’islamisme n’est pas une bande de terroristes barbares. L’islamisme est un État souverain, un État qui n'a pas de frontières, pas de capitale, pas de citoyens mais des fidèles, pas de constitution mais la charia.
(L’Express, le 19/10/2020)
Il ne s’agit pas que de mettre hors d’état de nuire quelques centaines ou quelques milliers d’individus. Il s’agit aujourd’hui de lutter contre ce que Gilles Kepel nomme un « djihadisme d’atmosphère ». Ce combat, d’abord et avant tout conduit par la police et la justice, ne pourra être remporté que si le peuple, tout le peuple de France qui ne se reconnaît pas dans l’islamisme le mène pour préserver ce qu’il a construit, pour continuer à vivre dans la liberté, la gaîté, l’échange, la discussion, la controverse, pour continuer à se disputer avec des mots et des arguments ou des dessins, pas avec des balles, des bombes, ou des couteaux.
Votre présence est un espoir.

(*) : certains, par exemple le frère dominicain Adrien Candiard, préfèrent utiliser djihadisme ou salafisme.
Il précise : "Je n’aime pas, pour les qualifier, employer des termes comme « radicalité » ou « extrémisme », car ces termes sous-entendent que plus on serait musulman, plus on ressemblerait à Daech. Or, aller au fond des choses en matière de foi ne revient pas à poser des bombes ! Un christianisme extrémiste ou radical pourrait être celui de saint François d’Assise."
il ajoute : "Je ne suis donc pas à l’aise lorsqu’on emploie un terme qui pose le sujet comme un problème d’excès. La caractéristique du fanatisme n’est pas d’aller au fond des choses, mais de les dévoyer. En ce sens, ce mot me paraît adéquat pour parler de cet ensemble sans tout amalgamer."

 

 

Tag(s) : #Politique
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