« Les extrémismes de gauche ont joui, continuent à jouir un peu partout, mais en particulier en France, d'une belle tolérance et d'une belle reconnaissance marquée le plus souvent par de superbes primes dans les alliances électorales. Europe Écologie-Les Verts, qui fait entre 5 et 8 % des votes aux élections (c'est-à-dire entre 3 et 5 % du corps électoral au mieux) dispose ainsi de 12 sièges de sénateurs et de 18 représentants à la Chambre des députés, généreusement offerts par ses alliés socialistes, alors que le Front national a 2 députés pour 18 % des voix... On ne voit pas en quoi il serait moins idiot de dire des sottises de gauche ou des sottises écolos que de dire des sottises de droite. À partir du moment où un parti respecte les lois, il a le droit, comme les autres, de s'exprimer. On voit néanmoins réapparaître périodiquement des « demandes d'interdiction » du Front national.
La conséquence électorale est évidente : à partir du moment où les idées respectent la Constitution, elles ont droit à la représentation.
En d'autres termes, le scrutin majoritaire tel qu'il existe actuellement n'est pas acceptable. Qui peut admettre que plus de 15 % du corps électoral en France (les inscrits, pas les votants !) doivent rester indéfiniment exclus de toute représentation. On a parfois l'impression que les politiciens en place attendent que les électeurs et sympathisants du Front national se fatiguent et retournent d'eux-mêmes vers les partis traditionnels comme des brebis égarées.
Pour refuser le scrutin à la proportionnelle, on évoque, au nom du gaullisme et de la Ve République venue mettre fin aux combines d'une IVe République honnie, la nécessité de construire des majorités stables.
Un peu de bon sens suggère que c'est aux hommes politiques et aux partis de passer des alliances de gouvernement appuyées sur des majorités stables, à eux donc d'être raisonnables ; pas au peuple de produire, contraint et forcé, les majorités impeccables qui leur conviennent parce qu'une partie de l'électorat a été réduite au silence !
Les coalitions de gouvernement, ça s'imagine, ça se négocie, ça se construit et ça se scelle, comme on le voit lors de la constitution des gouvernements de coalition en Allemagne, qui prend quelque chose comme deux bons mois ! Il faut donc instituer la représentation proportionnelle en tout ou en partie et procéder à une réforme électorale de fond. »
Yves Michaud, Contre la bienveillance, emplacement 1003