L’avis d’un ami syndicaliste (CFDT)
« Les désaccords se sont confirmés aujourd’hui » !
Nous assistons, ce 17 juin 2016, au nouvel épisode du feuilleton : le bras de fer historique entre la CGT et le gouvernement. Pour la CGT, c'est la "mère des batailles"...
À 9h, du matin, Philippe Martinez annonce sur le perron du Ministère du Travail : « les désaccords se sont confirmés aujourd’hui ». Quel scoop !
En réalité tous les médiats en avaient annoncé, dès avant 8h, la conclusion. Philippe Martinez avait besoin - pour "ses troupes" -de cette rencontre, mais il savait bien que le débat parlementaire irait à son terme, qu'il n'y avait aucune raison que le gouvernement retire la loi El Khoury. Comme le dit Laurent Berger. C'est une "posture".
Et si on revenait au fond de la question ?
J'ai travaillé en entreprise, j'y ai exercé des fonctions de délégué du personnel. Je considère que cette loi n'est pas parfaite mais qu'elle ne mérite pas d'être jetée aux orties. L'accord d'entreprise défini par l'article 2, "au plus près des salariés", devra être "majoritaire" pour s'appliquer. Cet accord est "porteur de progrès à condition que les acteurs syndicaux s'y investissent". C'est le chantier de demain !
Un cas concret qui montre la nécessité du dialogue à la base.
Il y a 40 ans je militais déjà pour renforcer la responsabilité du syndicat dans l'entreprise. Cette question est, depuis toujours, un terrain d'affrontement stratégique, entre la CFDT et la CGT. Pour la CGT, seule la loi protège. Pour la CFDT, une loi socle, c'est indispensable, mais il faut développer l'action collective dans l'entreprise par l'accord d'entreprise.
J’étais, en 1982, chargé par la revue de la CFDT « Aujourd’hui » de faire un papier sur le temps de travail. J’avais choisi d’enquêter auprès d'entreprises de la région de Rouen : Renault (usine de Cléon), transports Godet, blanchisserie de l’hôpital, usine Rhône-Poulenc-chimie. Lors d’une discussion qui rassemblait les militants de ces établissements, un des camarades a raconté une histoire qui a beaucoup fait réagir l'assistance. Il explique : « un salarié souhaitait travailler à temps partiel. Le dit salarié est allé voir son délégué pour lui demander conseil et appui auprès du chef d’atelier. Le délégué, bien formé, a tenté de le convaincre que c’était vraiment une mauvaise idée, qu’il fallait laisser tomber. L'employé qui tenait vraiment à "son temps partiel", est allé directement voir son chef ... qui lui a accordé ce qu’il souhaitait. Moralité, le délégué avait pris "une excellente position syndicale" mais il n’avait servi à rien pour le salarié.
Pourquoi se syndiquer si le syndicat ne sert à rien ? Pourquoi militer dans son entreprise si tout est décidé au niveau national ou de la branche ?
Il s'agit, comme dans le conflit Li de faire confiance à la base, c'est à dire à la section syndicale d'entreprise, pour discuter des accords.
Nous y croyons, et donc il faut défendre l'article 2.
C’est une condition de survie de l'action collective dans l'entreprise, du syndicat.
Il faut aussi aller aujourd'hui sur un terrain plus polémique et plus grave, celui de la démocratie dans ce pays. Puisqu’il sait depuis le début que le gouvernement ne va pas plier, qu'il va conduire jusqu'au bout le débat parlementaire, Philippe Martinez nous entraîne sur une voie de traverse....
La situation est grave. Chacun a pu constater, et déplorer d’inquiétantes attitudes : les injures et les menaces supportées par les défenseurs de la loi, la diffusion des téléphones particuliers des personnes, élus ou ministres chargés de défendre le projet de loi, les manifestations devant leur domicile. Attention, danger !
Un climat aussi tendu rend difficile :
1) - difficile tout changement d’attitude des opposants, « chauffés à blanc », et bercés d’un discours jusqu’au-boutiste, irréaliste, Au nom d’arguments discutables, présentés comme des vérités absolues répétés en boucle par l’Huma, la CGT et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, Philippe Martinez est coincé. Il ne peut pas dire la vérité. Il est contraint de maintenir les manifs, sinon c'est un suicide personnel.
2) - difficile tout débat avec ceux qui trouvent des vertus à la loi travail : Ils sont considérés comme des "traîtres", des "vendus". On les accuse de vouloir faire des salariés « des esclaves des patrons ». Si la loi travail est adoptée, on nous promet « un retour » au Moyen-âge ! Rien que cela !! Cela vaut effectivement le coup de manifester !
C'est au contraire l'occasion de redonner du lustre au dialogue dans l'entreprise, dans une période où les évolutions technologiques rendent ce dialogue tout particulièrement indispensable.